Les origines du Coton de Tuléar
La période malgache
Légende et histoire (source club CCCE)
Comme pour beaucoup de races, la "recette" ou la composition exacte des gênes et ou le dosage et le croisement des chiens qui ont "produit" le Coton de Tuléar est incertaine. Diverses légendes circulent.
Bulle, ma première chienne a la sienne qui, si elle n'est pas forcément vraie, semble belle et pas foncièrement plus fausse que les autres. Elle résume finalement de façon romancée ce que nous savons… mais laissons la parler.
"Je ne vois pas pourquoi Il parle de légende. C'est Mon histoire et la vie a voulu que je ressemble beaucoup à mon aïeule, "Belle". Be Bop elle doit être plus proche de Brigand, mais écoutez :".
"Au XVIe siècle, hôtes de toutes les cours princières, plusieurs variétés de petits Bichons naviguaient sur les bateaux européens. Grands voiliers de commerce, puissants navires de guerre, rapides embarcations des pirates, corsaires et autres flibustiers. Certains de ces Bichons, privilégiés, dorlotés, ne dit-on pas "bichonnés", se prélassaient dans les cabines des Belles de l'époque dans leur rôle de petit compagnon de luxe. Ils étaient aussi prisés que les plus beaux joyaux. D'autres petits chiens, moins chanceux (?), étaient relégués à fond de cale et chargés de maintenir la population de rats et autres pestes à un niveau supportable pour l'équipage.
Mes ancêtres racontent qu'au large de Madagascar les pirates attaquèrent un bateau de commerce sur lequel avait pris place une dame d'une grande beauté, accompagnée de ses petites bichonnes adorées, "Belle", "Bijou" et "Trésor". Suite à la furieuse bataille qui s'engagea et à la violente tempête qui se leva, les deux navires coulèrent et il n'y eut aucun survivant… sauf les jolies petites chiennes de la Dame… et du bateau pirate, un méchant petit voyou, appelé "Brigand", chasseur de rats de son état.
Tout ce petit monde arriva à la nage sur les plages de la grande île. Et ce qui devait arriver arriva. Brigand séduisit Belle, Bijou et Trésor et ils eurent plein de petits… cotons. Toujours en bande sous la conduite d'un "chef", futés, rusés, vifs comme l'éclair — héritage de papa — mais aussi mignons, fragiles d'apparence, sachant user de la prunelle et abuser de la frimousse — legs des mamans — leurs descendants plurent aux habitants de Tuléar puis colonisèrent toute l'île avant de partir à la conquête de la France, il y a vingt ans".
Aujourd'hui, après nous être répandus en Europe, nous partons à l'assaut du Nouveau Monde"
Malheureusement aucune preuve matérielle n'étaie la belle histoire de Bulle, bien que… nos petits cotons soient toujours aussi vifs et futés, qu'ils adorent vivre en bande et là ils sont redoutables, que les femelles donnent toujours la préférence au plus voyou des mâles…
Nous savons aussi que dès le XVIe siècle les Européens s'étaient installés dans l'île de Madagascar, notamment des colons français. Il est plus que probable qu'ils étaient accompagnés de leurs animaux et particulièrement de leurs chiens. À l'époque les Bichons étaient à la mode.
Étienne de Flacourt, gouverneur de Fort Dauphin écrit y avoir observé "quantité de chiens qui sont petits, ont le museau long et les jambes courtes comme des renards (il est vrai que même le coton d'aujourd'hui qui musarde, se faufile, se dissimule et fait mine de chasser peut faire penser à un petit renard). Il y en a quelques-uns qui sont blancs. Ils sont engendrés par des chiens qui sont venus de France et sont restés… ils ont les oreilles courtes".
Le scientifique Guillaume Grandidier décrit au début de ce siècle ses rencontres avec des bandes de chiens "de pauvres animaux affamés qui errent dans les villages, disputant aux porcs les plus immondes détritus, ou qui s'en vont dans la brousse où ils vivent de leur chasse comme des bêtes sauvages".
Ce qui est sûr c'est que le Coton est apparu à Madagascar. Ce qui est probable, de par certaines de ses caractéristiques morphologiques, c'est qu'il s'apparente aux bichons (vieille race française) qui, d'une manière ou d'une autre sont arrivés sur l'île de Madagascar et qui, en se mélangeant à d'autres chiens locaux ou importés comme lui ont abouti à l'établissement de souches de petits cotons.
Soumis à une longue et rigoureuse sélection naturelle qui a joué son rôle sur quatre siècles (soit 300 à 400 générations !) pour nous donner un petit chien extrêmement bien adapté à des conditions de vie rudes qu'il avait à affronter. Il est permis de penser qu'ont survécu les souches à poil blanc, long et cotonneux, qui fournissait au chien l'isolation thermique indispensable sous ces climats. De même se sont développées les aptitudes de survie : éveil, vivacité, rapidité dans la course, vie en meute etc.
Cette sélection naturelle nous offre aujourd'hui un chien assez extraordinaire :
- extrêmement attractif à l'œil - grâce à sa magnifique fourrure qui, derrière l'aspect avait bien sûr sa fonction utilitaire ;
- très vif et intelligent, parfaitement construit et musclé, armes essentielles de sa survie lui permettant la chasse et le chapardage en lui évitant de servir lui-même de pitance. Atouts essentiels aujourd'hui à son adaptation aux divers modes de vie de sa famille humaine ;
- chien qui use et abuse de la séduction et qui connaît exactement les qualités et surtout les faiblesses de ses maîtres. Il lui a fallu réapprendre la vie en meute de ses lointains ancêtres, les loups, avec les us et coutumes des rapports au chef.
- il a une santé de fer - effectivement n'ont survécu aux siècles de sélection que des souches très robustes.
Madagascar et la France ont eu au cours des siècles écoulés une longue histoire commune qui dure encore de par la présence d'expatriés français sur le sol malgache. Ces Français de Madagascar ont largement contribué à la popularisation de ce petit chien blanc, à la fourrure cotonneuse caractéristique. À tel point que l'une de ses appellations était le "chien des Français".
L'Exode de Madagascar
Lors de leurs vacances en Métropole ou lors de leurs retours définitifs, ils étaient souvent accompagnés de ces petits chiens qui, ici, séduisaient immédiatement ceux qui les rencontraient. Ainsi les petits cotons ont pris l'habitude de débarquer à l'Aéroport d'Orly, surtout destinés dans un premier temps aux familles et amis des expatriés et coopérants.
Puis, avec l'aide de Monsieur Triquet, Monsieur Louis PETIT, Président de la Société Canine de Madagascar, a soumis à la F.C.I. un dossier de demande de reconnaissance de la race. Ce fut chose faite en 1970, lorsque le premier standard F.C.I. fut publié (N° 283). Cette reconnaissance accentua l'arrivée des cotons en France car ils pouvaient désormais s'arguer du titre de "pure race".
Très vite intéressé par ce chien exotique aux qualités remarquables, tant au point de vue morphologique, de résistance physique et de caractère, le Club Français du Chihuahua et des Chiens Exotiques en demanda la garde à la fin des années 70 et il l'exerce depuis avec bonheur et succès.
Le Club fit tout ce qui était en son pouvoir pour promouvoir la race en France et il n'y eut pas de mois où l'on ne parlait pas de ce nouveau venu, non seulement dans la presse spécialisée, mais aussi dans les médias nationaux et à la télévision.
La demande devint importante et suivie malheureusement d'un exode encore plus massif de Madagascar. En effet, un petit chien blanc vendu 200-250 F à Tuléar, valait 500 F à l'Aéroport de Tananarive et 2500-5000 F à l'Aéroport d'Orly. De nombreux voyageurs, vacanciers, membres d'équipage des compagnies aériennes ramenaient en France un petit coton qui leur "payait le voyage".
La faune sauvage malgache étant tellement extraordinaire et rare, les autorités malgaches de tutelle avaient d'autres priorités que le Coton de Tuléar. Seulement quelques éleveurs prenaient la peine de souscrire à toutes les formalités liées à l'obtention d'un pedigree. De son côté, privé de moyens et d'appuis, M. Petit ne put jamais organiser convenablement la Société Canine de Madagascar.
Le Club Français s'inquiéta de cette situation dès 1980 et essaya d'établir des relations privilégiées avec la Société Canine de Madagascar afin de préserver des souches valables dans le pays - berceau de la race. C'est ainsi que l'auteur de ces lignes, en contact étroit avec M. PETIT, son vice-Président et M. Roger RAKOTONIAINA, chef d'Escale d'Air Madagascar put se rendre sur place en 1987 et 1990. Par ailleurs Air Madagascar essaya de réprimer l'exportation des cotons par ses propres équipages. Mais déjà la situation de l'élevage malgache était désespérée, de par le départ de presque tous les reproducteurs ressemblant tant soit peu à un Coton de Tuléar. Nous envisageâmes de remédier à la situation en fournissant gracieusement à des éleveurs malgaches deux couples de reproducteurs nés en France. Malheureusement, la situation économique s'aggravant, la situation politique fermant les ressources du Tourisme la trace de ces chiens français fut perdue.
Parallèlement le Club Français entreprit une collaboration et une correspondance suivies avec M. Petit, Président de la Société Canine de Madagascar. Nous souhaitions voir Madagascar interdire l'exportation des chiens sans papiers, mieux contrôler la production des cotons avec pedigree et réglementer la sortie des chiens avec pedigree malgache. Nous pensions que ces mesures obligeraient ceux qui faisaient de l'élevage sauvage (c'était d'ailleurs plus de la collecte ou du ramassage), sans aucun papier et sans aucun contrôle, à régulariser leur situation en produisant des chiens inscrits au Livre des Origines de Madagascar. La Société Canine de Madagascar aurait ainsi pu maîtriser l'élevage de l'ensemble des Cotons en privant les "marginaux" de la seule ressource qu'était l'exportation et, en décidant annuellement de la fraction du cheptel qui pouvait être exportée, elle aurait pu assurer la pérennité de la race sur place après bien des années perdues.
Malheureusement la demi-mesure très technocratique prise bien tard par le Ministère de la Production Animale et des Eaux et Forêts (ARRÊTÉ N° 1796/88) fut une catastrophe. Cet arrêté réglementait sévèrement l'exportation des chiens à pedigree… laissant libre l'export des chiens sans papiers. Cette demi-mesure produisit exactement le résultat inverse de celui escompté. Elle finit de dissuader les quelques éleveurs sérieux restants d'entreprendre les démarches nécessaires pour l'obtention des pedigrees car cette obtention leur fermait la voie de l'exportation qui était pratiquement leur seul débouché. Et le départ des derniers cotons de Madagascar fut encore accéléré et achevé.
Enfin, la fin des années 80 sonna le glas de la "production" malgache et nous amena à la situation d'aujourd'hui avec la mise en sommeil même de la Société Canine de Madagascar. Ainsi désormais notre Coton de Tuléar se trouve-t-il orphelin, mais il a la chance de posséder une "marraine", la France où il réussit si bien.